« Tu vis plus en cinq minutes à fond sur une moto que d’autres dans toute leur vie »
Simoncelli roulait avec une intensité brute, presque naïve. Il avait cette manière de donner l’impression qu’il vivait chaque virage comme si c’était le dernier. Quand il disait : « Tu vis plus en cinq minutes à fond sur une moto que d’autres dans toute leur vie », ce n’était pas une punchline. C’était une philosophie. Il incarnait une moto vivante, imparfaite, incontrôlée, à mille lieues des algorithmes de télémétrie et des ingénieurs de calcul. Il avait grandi à Cattolica, dans la région de Rimini, à une époque où la moto n’était pas un sport d’ingénieurs, mais de poètes de la vitesse. Ce qui transpirait de lui, c’était la joie pure d’être là, au guidon. Et ça, les fans le ressentaient.
Parce que c’est peut-être à travers l’émotion de Rossi qu’on a mesuré l’impact que sa disparition allait avoir sur le paddock.
Valentino Rossi et Simoncelli partageaient plus qu’un drapeau ou un accent. Ils partageaient un bout d’âme. Quand Rossi s’est arrêté à Sepang ce 23 octobre 2011, le visage défait, on a compris que quelque chose venait de se briser dans le sport. Plus tard, il a confié que perdre Marco avait été l’un des pires moments de sa vie, et que cette perte avait contribué à la création de la VR46 Academy. C’est comme si la mort de Simoncelli avait révélé l’autre visage de Rossi : celui de l’homme derrière la légende. L’ami qui reste, qui transmet, qui fait grandir les autres. Et sans s’en douter, Simoncelli a inspiré une génération entière de pilotes italiens à travers cette chaîne invisible du mentorat.
Parce que son père a transformé la douleur en mission.
Paolo Simoncelli, la moustache serrée et le regard franc, n’a jamais cherché à entretenir un culte. Il a cherché à prolonger un état d’esprit. Quand il parle de son fils, il dit simplement : « Ce qui explique tout cet amour, c’est son sourire. » Il a fondé la SIC58 Squadra Corse pour que ce sourire continue de courir. Pour que chaque jeune qui enfile une combinaison rouge et blanche retrouve un peu du panache de Marco, de cette façon de dépasser par l’extérieur sans calculer, de s’excuser avec humilité après un contact, de rire avant la course. Ce n’est pas un team hommage, c’est une école de vie. Paolo dit souvent qu’il revoit Marco dans le regard de ses pilotes. Peut-être est-ce pour cela qu’on a toujours l’impression qu’il est encore là.




